La fabrication d’une pipe de cérémonie

 

Ceci est MA façon de faire et elle conduit au résultat que j’attend d’une pipe, c’est à dire qu’elle soit agréable à fumer, agréable à prendre en main et si possible jolie à regarder.

 Tout commence avec le choix de la branche de buis dans laquelle je vais prélever un tronçon qui au fur et à mesure de mon travail se transformera en pipe.

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Chaque morceau de buis est comme une nouvelle rencontre, il faut veiller aux nœuds qui peuvent faire des points de fragilité, il faut « sentir » le morceau pour essayer de déterminer quelle forme il veut avoir. C’est un travail qui est grandement facilité par l’expérience et les capacités à communiquer avec le bois, chacun des choix fait impose des contraintes, et donne des informations sur la façon de s’occuper du bois. Je suis persuadé qu’au moment même de la fabrication d’une pipe, elle a déjà choisi son futur porteur. Je ne sais pas qui c’est, et son futur porteur ne sait peut être même pas qu’un jour il fumera une pipe de cérémonie, mais ça reste une sensation dont je n’arrive pas à me défaire. Il est aussi possible, comme cela a déjà été le cas qu’une pipe passe par un ou plusieurs intermédiaires avant d’atterrir dans les mains de son porteur véritable, mais quand c’est le cas, elle y reste.

 

La première étape – après avoir fait connaissance avec le bout de buis – est la mise en forme « grossière » c’est à dire, amener ce qui n’est qu’un tronçon de branche à une forme générale proche de celle de la future pipe. C’est une étape cruciale car c’est à ce moment que je découvre les « défauts » du buis sous son écorce. C’est aussi à ce moment que je découvre les nervures du bois, sa couleur sous l’écorce, ses « défauts » que je vais essayer de transformer en qualités pour transcender le « bout de nature » qui est mis à ma disposition.

 

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Une fois la tête de la pipe dégrossie, il faut percer le foyer, là encore, une étape de première importance car c’est au moment des perçages que tout se joue, c’est aussi à ce moment qu’un morceau de buis peut rejoindre le « tas » des ratés. Travailler avec une matière vivante, non standardisée conduit parfois, voir souvent à des échecs, mais ce sont des passages obligés qui conduisent à chaque fois à une remise en cause des méthodes de fabrication et de communication avec le bois. Chaque nouvelle pipe est un nouveau chemin intérieur, chaque forme renvoie à des sentiments/sensations différent(e)s. Le fait de fabriquer des objets sacrés me pousse à l’introspection, c’est comme un chemin de guérison semé de copeaux blessants et de poussières faisant larmoyer, mais arrivant à une satisfaction profonde  de voir un travail fini. C’est chaque fois un moment éprouvant avec une fin heureuse.

 

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Une fois les perçages finis, il est temps de passer à la fin de la mise en forme, car la tête de la pipe est encore loin de l’image que j’ai en tête à ce moment. À cet instant, les formes prennent vie, les courbes et lignes se joignent, se croisent, le bois m’entraîne dans ses veines, me conduit au fond de lui même pour arriver à la forme qui était là, cachée à l’intérieur de ce bout de bois qui n’attendait que d’être accompagné jusqu’à atteindre SA forme. Parfois cette forme est assez éloignée de celle que j’avais « pré-senti », mais peu importe, le façonnage d’une pipe est un travail d’équipe entre un bout de buis, mes mains et le futur porteur. 

 

 Ensuite, viennent les étapes de finition, le moment ou la tête de pipe « brute » devient douce, soyeuse, ou on passe d’un bout de bois à un instrument de célébration. A ce moment la tête de la pipe est finie, mais il lui manque encore son tuyau, son coté masculin, il me faut donc trouver dans mon stock de bambou le morceau qui va s’accorder parfaitement avec la tête. Il faut que structurellement le mariage soit possible, que les dimensions coïncident, que la longueur donne une pipe aux proportions harmonieuses, mais il faut aussi que le coté masculin s’entende avec le coté féminin. Ce n’est que lorsque je sens cette union parfaite que mon choix est fait. Il m’arrive parfois de laisser quelques semaines une tête inachevée dans l’attente de trouver/sentir le bambou qui soit le bon. Une fois le bambou choisi, un long travail d’ajustage commence, fait au couteau, avec patience, pour arriver à la forme ronde parfaite qui permettra une étanchéité et une stabilité parfaite a la jonction tête tuyau.

 

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